Firefox, de le fiction au réalisme. 03/21/2020
Avec une dose d'intensité dramatique mêlée à quelques idées farfelues, les cinéastes d’Hollywood sont capables de nous représenter l’avenir.
Firefox est un roman d’espionnage de Craig Thomas ( 1942 - 2011 ), publié en 1977. Cet écrivain britannique est reconnu en tant que véritable inventeur du genre thriller politico-stratégique : non, Tom Clancy, auteur du fameux " Octobre Rouge ", n'en n'a pas la paternité ! En 1982, Clint Eastwood adaptait Firefox au cinéma, et depuis sa sortie sur les écrans, cette histoire qui n'a rien d'un chef d'oeuvre, ne cesse de m’intriguer pour de nombreuses raisons. Et à chaque fois que je me rends à Moscou, il m’arrive de passer par des lieux censés être reconstitués dans ce film. ( ce point sur le réalisme des décors moscovites fera l’objet d’un autre sujet de voyage dans la rubrique « Chroniques » ).
Un MiG-31 Firefox russe bien hollywoodien, et un vrai Chengdu J-20 bien chinois
Firefox est sorti sur les écrans en pleine Guerre froide, dans un contexte où l’intervention de l’armée rouge en Afghanistan amplifiait la course aux armements. A tour de rôle, l’URSS et les USA gagnaient toujours une manche d’avance, l’un contre l’autre, avec tel, ou tel, système d’armes. Alors, les réalisateurs occidentaux se sont mis à produire des histoires dans lesquelles l’un des deux camps tentait à chaque fois, de voler un équipement très sensible à son adversaire. C’était dans le vent, comme « Rien que pour vos yeux » de John Glen, en 1981, un film où déjà, le KGB tentait de voler un boitier de commandement de tir de missiles stratégiques, se trouvant dans l'épave d'une frégate de la Royal Navy préalablement coulée .
Firefox raconte l’aventure de Mitchell Gant, un pilote expérimenté de l'unité « Agressor Squadron » dans l’USAF, infiltré à Moscou sous de fausses identités, et conduit jusqu’à la base aérienne de « Bylyarsk » par un réseau d’opposants au régime. Le colonel Mihail Yurievich Kontarsky du KGB est à sa poursuite. A « Bylyarsk », Gant a pour mission de décoller avec le MiG-31 Firefox, et de le ramener aux USA . La base aérienne d’essais de « Bylyarsk » est une invention du romancier, mais pourtant une photo satellite censée la représenter, est projetée en réunion d’état-major américain, en début de film: elle ressemble à s’y méprendre, au véritable aérodrome de Zhukovsky, au sud de Moscou.
Les russophones ont même droit à quelques dialogues échangés en langue russe
Les lignes générales du MiG-31 me laissent rêveur. En 1982, cet appareil était représenté comme un engin de Science Fiction des plus improbables, dans une armée d'alors. 37 ans plus tard, je suis encore surpris de constater que les équipes californiennes de Clint Eastwood avaient sans le savoir, réussi à esquisser - avec quelques maladresses - l'architecture d’un avion de combat furtif de 5e génération tels que nous les connaissons de nos jours, soit plus de 30 ans après le tournage de ce film . Pourtant, à l’époque, ces machines n’étaient même pas dans le fameux catalogue " Jane’s All the World’s Aircraft Dictionary " qui faisait autorité. Les dessins et maquettes des F-22, et YF-23 américains, alors futuristes, et de 5e génération, n’existaient même pas. Ne parlons même pas des types d'avions russes équivalents, qui n'étaient pas imaginés dans les revues spécialisées. Nos « aérodynamiciens » auraient pas mal de commentaires à faire sur le nez en bec de canard du Firefox de Clint Eastwood, et sur le carénage arrière de ses moteurs qui ressemble à une boite de conserve : d’un point de vue aérodynamique, cet avion ne pourrait tout simplement, jamais voler dans la réalité, même si le restant de son design global - inédit pour l'époque - semble avoir été soufflé à l'oreille du producteur, par quelques experts militaires.
Le soucis du détail, avec une instrumentation du cockpit en russe, témoigne de l'esprit méticuleux du réalisateur, même si les affichages choisis pour la séquence de tir du missile relèvent de la SF farfelue des années 80.
Là, où Firefox décrit un peu l’avenir, c’est dans la trame de fond. Au début de l’histoire, un état-major de crise réunit les services secrets et les chefs de l’US Air Force. Il s’agit d’organiser la mission de Mitchell Gant. Le MiG-31 y est présenté comme une menace existentielle pour l’aviation américaine. En réalité, en 1982, les avions de chasse en service dans l'armée américaine, sont sensiblement supérieurs à ceux de la VVS soviétique, mais cela ne durera pas dans le années qui vont suivre. A l'époque où le film est tourné, les soviétiques expérimentent en fait, les T-10, prototypes du futur Su-27 qui rétablira légèrement la balance des performances en faveur des russes. Et finalement quand on observe la scène aéronautique aujourd’hui, on a le sentiment que le film est devenu bien plus réaliste de nos jours, illustrant le « shift of Power » technologique des USA, vers la Chine, et dans une moindre mesure, vers la Russie.
Tous ces décors, " ça fait carton-pâte ", disait-on à l'époque ....
Car 37 ans après la sortie de ce pastiche de Guerre froide, les choses ont bien changé. Aussi, lorsque je photographie des Chengdu J-20 de la PLAAF à Zhuhai, en Chine, j’imagine ce même style d’état-major américain se réunissant - sans même que nous ne le sachions - alerté par la menace représentée par ce nouveau type d'aéronef chinois de 5e génération, contre la flotte américaine du Pacifique. Lorsque je photographie un Sukhoi Su-57 à Zhukovsky, véritable « Bylyarsk » du monde réel, j'ai la sensation de voir apparaître le vrai Firefox. Je me dis d'ailleurs, que j'irai le voler moi-même.
(à suivre ...)
Entre le Sukhoi Su-57 d'aujourd'hui, et le MiG-31 du film, je vous laisse compararer par vous-même.
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